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18.04.2024

Une montagne à transpercer

Alors que les voitures s'entassent devant les portails nord et sud en périodes de vacances, les mineurs travaillent d'arrache-pied dans les entrailles du massif du Gothard.
18 avril 2024

Ils effectuent les travaux préparatoires du second tube routier, afin que les tunneliers géants puissent bientôt creuser la montagne.

Gothard

Charly Simmen, le responsable de la sécurité, le relève avec fierté: «Jamais personne ne s’est trouvé à cet endroit auparavant. C’est fascinant.» Nous nous trouvons à quelques centaines de mètres de profondeur, dans le massif du Gothard. Le sol est boueux et détrempé, car de l’eau s’écoule avec régularité le long des parois. Dans le tunnel, la température est agréable, alors qu’à l’extérieur, devant le portail nord, il fait frisquet en ce jour brumeux de février. A quelque 70 mètres de là seulement, environ 17 000 véhicules traversent quotidiennement le tunnel routier du Saint-Gothard. L’odeur âcre de l’ammoniac est la première chose qui frappe. Sur le chantier du tunnel, celle-ci reste perceptible bien après le dynamitage, bien que de gros tuyaux soufflent de l’air frais arrivant depuis l’extérieur. Le bruit des machines est assourdissant. Elles effectuent les travaux préparatoires en cours pour les grands tunneliers, qui seront assemblés à Göschenen et Airolo à partir de ­l’automne et qui entreront en action l’année ­prochaine pour faire la liaison quelque part au milieu de la montagne, en 2027. Alors qu’aujourd’hui, les galeries d’accès s’enfoncent chaque jour de 1 à 3 mètres dans la montagne, elles atteindront une quarantaine de mètres à partir de l’automne prochain, en fonction des conditions géologiques rencontrées.

Des couches rocheuses familières

Gothard
Les points roses indiquent l’endroit où le forage est effectué, afin de placer l’explosif (en haut).

La géologie du Gothard, massif mythique de notre pays, est bien connue. Du granite, du gneiss et du permo-carbonifère, entre autres, seront rencontrés par les mineurs au cours de leur progression. Ceux-ci devront également faire face à deux zones de perturbation, c’est-à-dire des failles dans la montagne, où le matériau ­rocheux peut être très meuble. A ces endroits, même les tunneliers les plus modernes font face à leurs limites. C’est pourquoi des galeries d’accès séparées sont construites, à partir desquelles ces zones de perturbation sont excavées de manière conventionnelle. «Le fait que nous connaissions très bien la géologie constitue un réel avantage», explique Jacopo Cheda, chef de projet Nord de l’Office fédéral des routes (Ofrou). Guère étonnant, car en plus des nombreux bunkers et galeries utilisés par l’armée, le massif – longtemps considéré comme infranchissable – abrite déjà plusieurs tunnels. Ce n’est qu’avec l’arrivée de la diligence, au milieu du 19e siècle, que cette traversée des Alpes est devenue moins éprouvante, avant d’être radicalement raccourcie par le tunnel ferroviaire de 1882. Avec le tunnel routier de 1980 et les deux tubes du tunnel de base du Saint-Gothard de 2016, le Nord et le Sud se sont encore rapprochés. Et plus encore désormais, avec ce projet de second tube.

Trafic unidirectionnel

Gothard
Au plus profond des entrailles, un tunnelier sera assemblé à partir de l’automne.

Un deuxième tube, distant de 70 mètres environ, sera construit parallèlement au tunnel routier déjà existant. Cela s’est avéré nécessaire parce que le tunnel actuel, quadragénaire, a besoin d’être rénové et que ces travaux nécessiteront une fermeture complète durant plusieurs années. C’est pourquoi le peuple suisse a approuvé la construction du second tube en 2016. Une fois celui-ci en service, le premier pourra être rénové. Ensuite, la circulation dans les tunnels ne se fera plus que dans un seul sens – l’un vers le sud, l’autre vers le nord –, ce qui améliorera considérablement la sécurité dans les galeries. La capacité de la transversale alpine ne sera toutefois pas augmentée, puisqu’une seule voie pourra être empruntée dans chaque direction.
Tant à Airolo qu’à Göschenen, les bases sont actuellement posées pour que le tunnelier puisse être assemblé à l’automne. Pour ce faire, des prédécoupes ont été réalisées aux portails sud et nord. Il s’agit de trous verticaux d’une taille colossale qui permettent d’assembler les tunneliers, dont les dimensions dépassent 150 mètres de long et 12,3 mètres de diamètre, puis de les positionner pour leur mise en service. Actuellement, les ouvriers et les mineurs sont confrontés à deux défis principaux. «Nous nous battons contre des éclatements d’une part et d’autre part contre une zone où des matériaux de remblai datant de l’époque du premier tunnel ferroviaire sont nombreux. Il y a beaucoup de roche meuble, et parfois de gros blocs se détachent», explique Charly Simmen, responsable de la sécurité. Le phénomène dit d’écaillage se produit lorsque la pression dans la roche se relâche – par exemple suite à des explosions – et que celle-ci se détache brusquement, projetant des plaques de roche entières à l’intérieur du tunnel. «Ce sont des situations imprévisibles», ajoute-t-il. C’est pourquoi il est important, lors du travail à l’explosif, de sécuriser immédiatement la zone en projetant du béton et en appliquant des ancrages dans la roche. Ce n’est qu’ensuite que les matériaux sont évacués et que le mur est à nouveau préparé pour d’autres dynamitages.

Plus lourd que la pyramide de Khéops

Gothard
Devant le portail sud, à Airolo, on peut déjà deviner l’entrée du tunnel (à droite, en haut).

Un chantier de cette envergure a également un impact important sur l’environnement. Le poids total des roches excavées, par exemple, s’élève à environ 7,4 millions de tonnes. Un poids monumental dépassant d’environ 1 million de tonnes celui de la pyramide de Khéops en Egypte. Et ce d’autant plus que l’intégralité de ce matériau, ou presque, est ensuite réutilisé. Une caverne de béton a été créée à cet effet à une cinquantaine de mètres dans la montagne, dans laquelle un béton de qualité et uniforme est produit pour le chantier. Les matériaux d’excavation sont également utilisés pour le remodelage du terrain à Airolo et le recouvrement de l’autoroute A2. La plus grande partie des roches, soit environ 3,5 millions de tonnes, sera utilisée pour la renaturation des beines lacustres du lac d’Uri. Mais avant cela, les tunneliers vont devoir se frayer un chemin à travers la montagne afin que le deuxième tube puisse être utilisé comme liaison nord-sud à partir de 2030 et que le premier tunnel routier puisse être rénové.

Gothard
Johann Riesslegger, contremaître

«Tunnel un jour, tunnel toujours!», s’exclame ­Johann Riesslegger. Cet Autrichien d’origine ­travaille comme contremaître sur le chantier du Gothard à Göschenen. Il a déjà travaillé dans différents tunnels suisses, dans la galerie de drainage de Brienz, après l’éboulement, ou encore sur le barrage du Grimsel. Et désormais, il s’est engagé sur le chantier du Gothard, mais pour une année seulement, avant de prendre une retraite bien méritée. «En fait, je préfère travailler sur des chantiers un peu plus petits, car l’ambiance y est plus familiale. Mais un projet aussi colossal a aussi son charme», avoue-t-il. Au départ, il effectuait ce travail principalement pour l’argent, mais aujourd’hui, c’est sa passion. La géologie de la roche le fascine, tout comme le fait de travailler avec un massif montagneux entier au-dessus de sa tête. Au Gothard, c’est surtout la logistique qui constitue un défi, explique-t-il. «Comme toutes les équipes ne travaillent pas au même endroit et que certains équipements sont partagés, il faut beaucoup de concertation et effectuer de longs trajets à pied à travers le tunnel. A cela s’ajoute la charge mentale liée au fait de passer des journées entières de travail sous terre.»

Textes: Dino Nodari
Photos: Emanuel Freudiger

Calendrier

2016
Votation populaire fédérale

2017
Approbation du projet par le Conseil fédéral

2021
Premier coup de pioche

2022
Début du creusement des galeries d’accès nord et sud

2025
Début du creusement du tunnel principal

2027
Percement du tunnel principal

2028
Installation des équipements d’exploitation et de sécurité

2030
Ouverture du 2e tube

Les plus longs tunnels routiers au monde

1 Lærdal
24,51 kilomètres
Norvège
Le spectaculaire tunnel de Lærdal est le plus long tunnel routier du monde. Il se trouve sur le tronçon Oslo-Bergen et a été achevé en 2000. Son tracé sinueux est censé aider à lutter contre la fatigue au volant.

2 Yamate
18,2 kilomètres
Japon
Le tunnel routier le plus long en zone urbaine est le tunnel de Yamate à Tokyo. Avec ses 18,2 kilomètres, le deuxième plus long tunnel routier du monde a été construit par étapes et achevé en 2015.

3 Zhongnanshan
18,04 Kilomètres
Chine
Le troisième tunnel ­routier le plus long du monde est le tunnel de Zhongnanshan en Chine, dans la province du Shaanxi, au centre du pays. Le tunnel passe sous la chaîne de montagnes Qin Ling. Les deux tubes du tunnel ont été ouverts en 2007, deux ans plus tôt que prévu. Coût de construction: 330 millions d’euros.

4 Jinpingshan
17,54 kilomètres
Chine
Le tunnel de Jinpingshan est situé dans la province chinoise du Sichuan. Le tunnel mène directement au barrage de Jinping, le plus haut du monde. Il n’est toutefois pas ouvert au public.

5 St. Gothard
16,94 kilomètres
Suisse
Il fut durant 20 ans, et jusqu’en l’an 2000, le plus long tunnel routier du monde. Il est encore aujourd’hui le principal axe traversant les Alpes.

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Tunnels et cols

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