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10.03.2022

Vol par excès de confiance

Un Vaudois s'est fait voler son véhicule par un récidiviste à la suite d'un simple tour de passe-passe administratif.
10 mars 2022

Quelques mois après les faits, il ne décolère pas et tient à faire passer un message de prévention aux automobilistes voulant mettre en vente leur voiture. Témoignage, avis de droit et conseils.

Vol de voiture

Selon une étude anglaise de 2021, 19 voitures sont volées chaque jour en Suisse. L’automne dernier, Pierre Burger, résidant à Villars-Le-Grand (VD), entrait bien malgré lui dans cette statistique, victime d’une escroquerie à répétition. Les faits? Désireux de vendre sa Land Rover Defender, il place une annonce sur le site AutoScout24. «Un homme se faisant passer pour un assureur m’a appelé et m’a dit qu’un de ses clients était intéressé à l’achat», raconte-t-il. Rendez-vous est pris à Aigle. Le prétendu assureur, jeune et d’excellente présentation, y arrive en BMW. Le prix convenu, 50 000 fr., est discuté légèrement à la baisse et Pierre Burger, en échange d’un contrat de vente, ne voit aucune objection à ce que le client intéressé fasse connaissance avec sa voiture qu’il confie à l’intermédiaire, prêt à rentrer chez lui par un autre moyen.

On se quitte en convenant d’un nouveau rendez-vous pour conclure la transaction en présence de l’acheteur. Une promesse qui restera sans suite. D’excuse en excuse, le prétendu assureur joue la montre quelques jours, jusqu’à l’aveu final lâché au téléphone: «J’ai revendu votre véhicule, nous nous retrouverons au tribunal.»

Négligence fatale

Assommé, Pierre Burger se rend compte de l’erreur commise: lui avoir confié avec la voiture l’original du permis de circulation. «Il s’est rendu au Service des automobiles, l’a annulé et a mis le véhicule à son nom avant de le revendre à prix cassé.» Une recherche permet à la victime de découvrir deux choses. Premièrement, que 4 autres propriétaires – tous de véhicules de prix élevé – ont été grugés de la même manière par la même personne en Romandie, pour un montant total de 250 000 fr. environ. Ensuite, que sa Land Rover est en vente dans un garage du Chablais valaisan. Malgré un dépôt de plainte, ni les forces de l’ordre ni la justice ne vont saisir et restituer les véhicules retrouvés, dont celui du Vaudois. «La police l’a bloqué mais il ne m’appartient plus, n’étant plus à mon nom», se désole Pierre Burger, qui se dit «dépossédé de son véhicule en toute impunité».

«Mon tort a été de faire confiance, mais il y a une défaillance du système. L’escroquerie est trop facile», poursuit-il. Sa première charge est dirigée contre le Service des automobiles et de la navigation (SAN) vaudois: «On m’a dit qu’il n’avait pas accès au fichier RIPOL des véhicules volés, partagé entre les douanes, les corps de police et de gendarmerie. Mais, selon une information réclamée à ma demande par une députée du Grand Conseil, le SAN peut y accéder. Ne pas contrôler, c’est ouvrir grand la porte à tous les malfaiteurs. De la part d’un service de l’Etat, c’est une grave négligence.» Autre objet de colère: le refus de sa compagnie d’assurances d’entrer en matière suite à sa demande de dédommagement, l’infortuné ayant été selon elle victime d’abus de confiance et non de vol (lire encadré ci-contre). Enfin, la taxe 2022 reste légalement due, un délai de paiement étant toutefois accordé jusqu’à une décision de justice.

Légère faille ­exploitée

Pascal Chatagny, chef du Service vaudois des
automobiles et de la navigation (SAN).

Interpellé, Pascal Chatagny, directeur du SAN à Lausanne et vice-président de l’Association suisse des services des automobiles (ASA), tient d’abord à faire part de sa compréhension pour la victime d’une malversation qualifiée de «surprenante, mais heureusement rare». Il tient toutefois à rappeler le principe en vigueur dans tous les services automobiles du pays: la personne qui présente l’original d’un permis de circulation est considérée comme le détenteur du véhicule. «Ce processus est normal et légal. Nous ne posons donc en principe pas de question et n’avons du reste pas les moyens d’effectuer de contrôle. C’est différent quand une plainte a été déposée. Les données sont alors versées dans le fichier RIPOL, auquel nous avons accès, et les blocages sont automatiques. Cette personne a trouvé l’astuce pour se glisser dans une petite faille de la procédure. J’en suis navré pour le propriétaire, comme pour le garagiste qui a acquis la voiture en toute bonne foi.»

Des propos que le chef de ­service conclut par quelques recommandations élémentaires en pareil cas: ne jamais remettre la carte grise et le véhicule à un inconnu; s’inviter de préférence à bord si une course d’essai est demandée par l’acquéreur; enfin, s’assurer du versement du montant convenu avant de se défaire d’un véhicule en vente.

Texte: Jérôme Lathion
Photo: ARC/Jean-Bernard Sieber
Illustration: Nicolas Kristen

Récupération délicate

Pour la victime, le résultat est le même: il est dépossédé de son bien. Mais en matière de droit des assurances, un distinguo est clairement établi entre le vol et l’abus de confiance, ce dernier n’étant en général pas couvert. «Si le véhicule avait été volé, le cas serait plus simple. Ici, la personne s’approprie de manière illégitime un bien qui lui est confié et en dispose», commente Dominique Charmillot, avocat et chef des services sinistres Suisse romande et Tessin chez Assista SA, société de protection juridique du TCS. En clair: l’excès de confiance – pour ne pas dire la naïveté – se voit sanctionné. Quant à une récupération de son bien par la victime lésée dans un tel cas de figure, c’est chose possible, mais délicate: «En vertu du droit réel, l’article 933 du Code civil protège la propriété d’un acquéreur de bonne foi, le garagiste en l’occurrence. Il ne pourrait plus s’en prévaloir s’il s’avérait que la transaction était douteuse.» Selon l’expert juridique, une action en dommage et intérêts est possible et la récupération du véhicule envisageable, pour autant que la mauvaise foi du dernier acquéreur est avérée. Par exemple en tant que membre d’une organisation délictueuse.  

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