Le Microlino attend son heure dans un garage de Küsnacht. Ce véhicule électrique léger est si mignon qu’on a envie de le câliner. La ressemblance avec la BMW Isetta n’est nullement fortuite. «Nous nous sommes inspirés d’un documentaire télévisé où il était question d’une Isetta électrifiée», explique Merlin Ouboter. Son père Wim, l’inventeur des trottinettes et scooters électriques Micro, son frère Oliver et lui-même sont les entrepreneurs se cachant derrière la marque zurichoise éponyme. Ils ont contacté l’inventeur, essayé l’e-Isetta et se sont enflammés pour ce projet. «Une voiture parcourt environ 35 km par jour et transporte 1,3 personne en moyenne», explique le Zurichois de 23 ans. «Pourtant, la plupart ont cinq places, totalement au-delà des besoins.» C’est ainsi qu’est née l’idée de concevoir ce véhicule électrique adapté aux besoins de la mobilité urbaine.
Le directeur marketing de Microlino ouvre la porte frontale, monte à bord et je prends place à côté de lui. L’espace est chichement compté, avis aux personnes corpulentes. Bien que le dépouillement domine dans l’habitacle, le véhicule est équipé d’un toit ouvrant et un porte-gobelet a été aménagé près du siège passager. Les commandes sont intégrées à la porte frontale: une climatisation à deux vitesses, une soufflerie, la marche avant ou arrière, l’éclairage, le chauffage du pare-brise et le mode éco.
En 2015, la famille mandate le designer automobile Marco Brunori. Il examine les anciens scooters à cabine, BMW Isetta et Heinkel Trojan. Sa mission: en tirer la quintessence et l’exprimer dans un scooter à cabine moderne et électrique. Ignoré par l’industrie automobile, le clan Ouboter se tourne vers les étudiants de la ZHAW de Winterthour pour être conseillé, ce qui débouche sur trois thèses de bachelor. «Notre inexpérience fut un avantage», constate Merlin Ouboter. «Nous avons faitdes choses que d’autres n’auraient pas osé entreprendre.» Dans le domaine automobile, il y a généralement plusieurs étapes entre les premières esquisses et les prototypes. Mais le père et ses fils ont fait construire en Chine des prototypes à partir de dessins. Leur rêve: exposer le Microlino au Salon de Genève pour tester les réactions du public.
En 2016, ils obtiennent un stand de 6 m² en faisant jouer leurs relations. Et le Microlino arriva. «Nous avions prévu une liste de réservations pour 500 exemplaires, en nous disant que nous la prendrions au sérieux quand elle serait pleine», se souvient l’entrepreneur zurichois. Quatre jours plus tard, alors que 500 noms figuraient sur la liste, le trio Ouboter réalise qu’il a découvert une niche de marché: un scooter à cabine électrique comme deuxième véhicule des ménages citadins.
Merlin Ouboter accélère. Nous longeons le lac de Zurich à 50 km/h, même si l’engin est capable de monter à 90. Je le savais agile, mais je suis surprise par sa tenue de route. On est assis assez haut dans cet hybride entre un scooter et une voiture. L’efficacité des freins, je la découvre quand un feu passe subitement au rouge.
La recherche d’un fabricant commence après le Salon de Genève, mais les grands noms ne prennent pas ces novices au sérieux. Finalement, un accord de partenariat est conclu en 2017 avec Tazzari, une entreprise d’Imola (I) qui produit de petits véhicules électriques. Des modèles de présérie sont développés, pendant que la famille Ouboter poursuit sa collecte de précommandes lors de diverses expositions. Ils en sont actuellement à 125 000.
Le Microlino passe les tests d’homologation au cours de l’été 2018. Et en décembre, les droits de Tazzari sont transférés au constructeur allemand de voitures de sport électriques Artega, qui produit le Microlino à Delbrück. Tout semble aller pour le mieux. Mais le trio Ouboter évoque également des revers, notamment des problèmes de communication en Chine. Et lorsque le premier prototype atterrit finalement à Zurich, après d’innombrables difficultés, celui-ci tombe d’un chariot élévateur à l’aéroport. «Il était assez cabossé, mais comme la foire du jouet de Nuremberg ouvrait ses portes le surlendemain, nous n’avions pas d’autre choix que de l’exposer en l’état.» Non sans avoir mis à côté une pancarte portant la mention «Shit happens», avec une explication de ce coup du sort. «En fin de compte, cette mésaventure nous a valu un élan de sympathie», se souvient Merlin Ouboter.
Les personnes intéressées peuvent actuellement découvrir le néo-scooter à cabine dans un showroom de Zurich et l’essayer avant de le commander sur le web. A partir du mois d’avril, il sera configurable via le nouveau site internet. Les couleurs ont été choisies par les followers de Facebook. Il en existe huit, du Gothic Black au Vienna White, en passant par le Paris Mint. Le prix de base est fixé à environ 13 000 francs. Il existe un partenariat avec Bosch Car Services pour l’entretien et les réparations.
Le Microlino porte bien son nom, on le constate surtout lorsqu’il est parqué à côté d’un Porsche Cayenne qui le domine de son gigantisme. Dans les villes où il y a pénuriede places de stationnement, pareille microcitadine ne manque pas d’atouts. Par exemple sa longueur de 2,4 m qui permet de garer l’engin de travers ou dans des créneaux très courts. Sur la route du retour, les passants nous sourient. Le Microlino ne laisse décidément personne indifférent. Arrivé à Küsnacht, Merlin Ouboter remet le petit véhicule turquoise dans son garage. Les premiers exemplaires seront livrés en Suisse dès le mois d’avril et l’Allemagne suivra cet été. Il y a eu plusieurs tentatives de redonner vie aux scooters à cabine, mais avec le clan Ouboter, on a le sentiment que cet énième essai sera le bon.
Texte: Juliane Lutz
Photos: Daniel Kellenberger
Le Microlino, en bref
Longueur: 2,40 m, largeur: 1,50 m, poids à vide: 435 kg (sans batterie), coffre: 300 l, puissance: 11 kW, 0 à 50 km/h: 5 s, catégorie: L7e (quadricycles à moteur)
Prix de base: env. 13 000 fr. (batterie: 8 kWh; autonomie: 125 km). La batterie de 14 kWh (autonomie: 200 km) coûte entre 2000 et 2500 fr. supplémentaires.
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