Les CFF sont dans les chiffre rouges et de nombreux clients n’ont pas renouvelé leur abonnement général durant la pandémie. Quelle est la gravité de la situation?
Vincent Ducrot: Les conséquences de la pandémie sont encore considérables. Au cours des six premiers mois de l’année, 763 000 personnes ont pris le train quotidiennement, soit 41% de moins qu’en 2019. Au premier semestre, nous avons enregistré une perte de 389 millions de francs. La situation financière reste donc très tendue.
Comment envisagez-vous de sortir de ce gouffre financier?
Nous sommes en contact étroit avec la Confédération afin de trouver des solutions pour un financement solide et à long terme. Grâce à une gestion efficace des coûts, à l’augmentation de l’efficacité et de la productivité ainsi qu’à des mesures d’économie, les CFF contribuent de manière optimale à une situation financière saine pour le rail. Nous constatons également une tendance à une hausse de fréquence des passagers. Vous savez, dans une année normale, les CFF réalisent un bénéfice d’environ 400 millions de francs. Nous sommes convaincus que l’entreprise sera en mesure de rembourser ses dettes, qui ont augmenté pendant la pandémie. Mais le chemin sera long.
Les passagers doivent-ils ainsi s’attendre à payer davantage?
C’est la branche qui fixe les prix. Même si nous avons moins de recettes actuellement, je pense que c’est une mauvaise idée que d’augmenter les prix au milieu de la crise. On ne récupérera pas les clients ainsi. Il n’y aura pas d’augmentation de tarif cette année; l’année prochaine et la suivante non plus.
Dans quelle mesure les usagers prennent-ils à nouveau le train?
Oui, actuellement ce sont 75% environ des passagers que nous avions avant la pandémie, et les chiffres sont encore meilleurs durant les week-ends. Le trafic pendulaire est encore très affecté par la pandémie, car la recommandation de travail à domicile s’applique encore. Récupérer ces passagers sera encore plus long que pour le trafic touristique.
Des modifications sont-elles prévues pour l’abonnement général selon la baisse du trafic pendulaire?
L’abonnement général est un service offert par l’ensemble du système des transports publics, soit environ 250 entreprises, et cela restera ainsi. Chacune de ces entreprises a sa propre structure de coûts et elles font part de leurs besoins à l’Alliance SwissPass, qui en est responsable. En réponse à la pandémie, cette organisation examine actuellement divers nouveaux modèles d’abonnement, en plus de l’AG, qui tiendraient également compte de cette situation nouvelle, comprenant davantage de télétravail. Par exemple, le crédit de transport public, où les clients paieraient 2000 fr. en pouvant utiliser les transports publics pour 3000 fr. Je suis curieux de connaître les résultats de l’essai pilote.
Les trains se remplissent à nouveau. Sur certaines lignes, entre les grands centres urbains, tout semble être revenu à la situation d’avant la pandémie. Qu’est-ce qui a été entrepris au cours des derniers mois pour mieux gérer le trafic pendulaire?
Vous savez, les CFF font circuler 9000 trains par jour. Nous sommes heureux que nos clients reviennent. Notre ponctualité reste élevée: le mois dernier, 92,6% des convois sont arrivés avec moins de 180 secondes de retard. Nos trains ont également circulé à plein régime durant la pandémie, et les opérations ferroviaires se sont poursuivies sans interruption. Cela signifie également que les lignes sont entretenues, tout comme notre matériel roulant.
Qu’en est-il de l’infrastructure? Que faire pour assurer le bon déroulement du trafic pendulaire?
La sécurité est la priorité absolue des CFF. Il va sans dire que notre réseau de plus de 3000 kilomètres doit être entretenu en permanence. Nous y consacrons environ 700 millions de francs par an. Et le mandat politique est également clair: l’étape d’aménagement PRODES 2035 prévoit des extensions pour le futur trafic ferroviaire, et nous y travaillons. Souvent, ces expansions doivent avoir lieu pendant les opérations en cours, ce qui est similaire aux autoroutes et pose d’énormes défis. Les inconvénients pour les usagers ne peuvent pas toujours être évités, mais grâce à une bonne planification, nous essayons de limiter au maximum les restrictions.
Quels sont les projets que vous attendez avec impatience dans un proche avenir?
Nous avons des projets dans le transport de marchandises avec des attelages automatiques, ou la simplification de l’achat de billets en ligne pour les voyages vers l’Europe voisine. Mais les CFF renforcent également leur durabilité écologique en n’utilisant que de l’électricité renouvelable à partir de 2025 et en intégrant encore plus d’autres thématiques liées à l’écologie dans ce processus, telles que l’économie circulaire. Il est également important à mes yeux d’aller dans le sens d’une offre plus flexible et de proposer davantage de trains lorsque nous avons beaucoup de clients.
Dans quels projets de numérisation voyez-vous de grandes opportunités pour les CFF?
La numérisation est un sujet permanent, pour autant qu’elle nous aide à poursuivre le développement de notre activité principale, à renforcer la durabilité et à réduire les coûts globaux du système. Un exemple est le Traffic Management System (TMS), qui nous permettra à l’avenir, à partir d’un système unique, de gérer l’établissement des horaires et d’effectuer le contrôle opérationnel des trains. Cela nous permettra de mieux utiliser les nœuds ferroviaires, de faire circuler les trains à des intervalles plus courts et, en fin de compte, de nous passer de coûteuses extensions d’infrastructure. Tous les projets de numérisation doivent apporter une valeur ajoutée directe à nos clients. Et ils doivent être payants pour le rail, en tant que moyen de transport sûr, ponctuel et durable.
A quand le premier train sans conducteur entre Genève et Zurich?
Il n’y en aura pas. Car contrairement aux métros fermés, où les trains défilent les uns après les autres, sur le réseau ferroviaire suisse nous avons un trafic mixte et des lignes cadencées, notamment dans les gares. Il y aura toujours quelqu’un en tête de train, qui sera bien entendu épaulé par des systèmes d’assistance.
Comment voyez-vous la mobilité en Suisse dans dix ans?
La mobilité joue un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs climatiques du pays. C’est pourquoi la composante écologique de la mobilité prend une importance croissante. Les CFF se sont fixé pour objectif d’être climatiquement neutres à partir de 2030. En outre, la Confédération souhaite doubler la répartition modale du transport de passagers et de marchandises d’ici 2050. Cela signifie que le rail fait partie de la solution. En outre, nous travaillons actuellement à notre stratégie pour les prochaines années. Nous voulons renforcer encore notre activité principale et devenir plus flexibles, par exemple en ce qui concerne les horaires. Mais nous n’en sommes qu’au début.
Quelles opportunités voyez-vous dans la mobilité combinée?
La mobilité combinée constitue la réalité de la vie de nombreux passagers. Ils prennent le vélo, la voiture ou le bus pour aller de leur domicile à la gare. Les CFF leur offrent depuis longtemps des places de stationnement et des possibilités de transfert simplifiées. Une fois arrivés à destination, ils poursuivent leur trajet en voiture Mobility, en bus et en tram, ou alors à vélo ou en trottinette électrique. Pour ce faire, les gares CFF sont des plateformes idéales. Il est également important à nos yeux de regrouper les différentes offres de mobilité dans un seul système et qu’elles puissent être réservées. Cela les rend faciles à utiliser pour les clients. Les CFF se positionnent à l’avant-garde de la mobilité combinée.
Interview: Dino Nodari
Photos: ©SBB CFF FFS
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