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24.10.2019

Les carburants du futur

Pour réduire son bilan carbone sur les routes, on pense souvent à la propulsion électrique. Mais il existe aussi des carburants alternatifs.
24 octobre 2019

Interview avec Anthony Patt, expert en climatologie à l'EPF de Zürich

Monsieur Patt, les e-fuels, ou carburants synthétiques, représentent un marché de niche depuis longtemps et semblent connaître un boom. Comment évaluez-vous leur potentiel ?

Je vois des opportunités dans les domaines où il n’y a pas de réelles alternatives. A commencer par l’industrie. Mais surtout dans le transport maritime et aérien car, durant ces 50 prochaines années, il ne sera pas encore possible de traverser les océans uniquement en s’équipant de batteries. En revanche, je n’imagine pas ces carburants pour le trafic routier. Ils ont un très faible degré d’efficacité par rapport à la mobilité électrique. Si l’on considère une production de carburants neutres à partir d’électricité provenant d’eau et de CO, il faut savoir que 50% de l’énergie est perdue. De plus, 80% de l’énergie restante disparaît dans le moteur à combustion. Avec les véhicules électriques, en revanche, les pertes énergétiques dues au stockage des batteries et au réseau de transfert sont minimes. Environ dix fois plus d’énergie est nécessaire pour parcourir la même distance avec les carburants synthétiques dans le réservoir qu’avec une propulsion électrique.

A mon sens, les voitures électriques – elles ne sont aujourd’hui pas beaucoup plus chères que leurs pendants thermiques – s’avèrent imbattables. Elles sont également plus rapides, plus propres et plus silencieuses.

L’institut de recherche ICCT estime que, d’ici 2030, grâce à l’utilisation rationnelle des déchets provenant de l’industrie forestière et agricole, jusqu’à 16% du carburant utilisé dans le transport routier pourrait provenir de ces sources. Doit-on donc se concentrer davantage sur les biocarburants ?

Je ne crois pas, non. Bien que je ne sois pas au courant des résultats de l’ICCT, je dirais qu’il est préférable de recourir le moins possible aux biocarburants dans le transport routier. Il y aurait d’énormes conséquences environnementales si nous en produisions davantage. En particulier sur les ressources en eau et les terres. Les coûts de la mobilité électrique vont baisser, de sorte qu’il sera finalement moins onéreux de conduire une voiture électrique. Et les biocarburants, eux, coûtent encore plus cher que l’essence ou le diesel ordinaires. Si nous souhaitons vraiment passer à l’e-mobilité, un seul système fait plus sens que deux en parallèle.

Et qu’en est-il de l’hydrogène ?

Il peut s’agir d’une bonne solution pour les camions longue distance, même si cela impliquerait d’énormes batteries. Mais l’infrastructure est quasiment inexistante. Il serait éventuellement possible de s’en sortir avec moins de stations-service pour les camions long-courriers. Supposons qu'un poids lourd effectue le trajet Zurich-Munich. Une station de remplissage d’hydrogène au point de départ et une autre à destination suffiraient. D’autre part, des tests effectués récemment en Allemagne et en Suède avec des caténaires – captage du courant par dispositif aérien – pour les poids lourds sur les autoroutes, m’ont convaincu. Sur ces longs tronçons, les véhicules captent l’électricité par cette voie aérienne et n’ont ainsi besoin que de petites batteries pour les trajets aller-retour sur autoroute. Il n’y aurait plus de problème d’autonomie. J’ai rapidement fait le calcul : en cinq ans environ, les coûts de ces infrastructures pourraient être amortis, car les moteurs électriques consomment beaucoup moins d’énergie que les moteurs à combustion.

Ainsi, seuls les e-fuels prévaudront parmi les carburants alternatifs ?

Cela pourrait être le cas dans les transports aériens et maritimes. Sinon, je ne crois au succès de l’e-mobilité que dans le trafic routier. Les batteries représentent le premier choix pour les voitures, les fourgonnettes et les camions qui parcourent de courtes distances. Ils dépassent toutes nos attentes et le secteur se développe rapidement. Pour les camions longue distance, j’opterais pour des caténaires autoroutières, en combinaison avec des batteries, plutôt que des stations débitant de l’hydrogène. Mais cela exige un engagement de la part des responsables politiques européens.

INTERVIEW JULIANE LUTZ

Carburants alternatifs (sans origine fossile)

Biocarburants/combustibles biogènes

Lors de la 1ère génération, des parts de plantes comestibles avaient été prélevées, ce qui était difficilement justifiable car elles auraient pu servir d’aliments.

Pour la 2e génération, seules les parties de plantes non-comestibles servent à produire du carburant. Les expériences actuelles avec des déchets de paille agricole sont prometteuses. En Roumanie, Clariant prévoit de mettre en service en 2020 une bioraffinerie dans laquelle 50 000 tonnes d’éthanol cellulosique seraient produites chaque année à partir de la paille.

Pour la 3e génération, des micro-organismes et des algues seront modifiés et transformés en biocarburants. En raison de leur rendement à l’hectare en biomasse particulièrement élevé, les algues furent considérées comme très prometteuses, mais entre-temps, on est arrivé à la conclusion que la bioénergie provenant des microalgues n’était pas viable du point de vue économique.

Hydrogène

On peut obtenir ce gaz à partir de l’eau, ce qui exige beaucoup d’énergie, et il en faut plus encore pour le comprimer. Il est important que l’électricité provienne de sources renouvelables.

Jusqu’à présent, cependant, 70% de l’hydrogène utilisé est obtenu par vaporeformage: l’hydrogène est créé à partir de gaz naturel.

Enfin, dans une pile à combustible à hydrogène, ce gaz réagit au contact de l’oxygène pour former de l’eau. Les électrons libérés sont utilisés pour produire de l’électricité. Bien qu’il existe des voitures fonctionnant à l’hydrogène, l’infrastructure est embryonnaire. Il n’a actuellement que deux stations-service à hydrogène en Suisse. Trois autres sont en cours de planification.

E-fuels

Il s’agit de carburants synthétiques dont les propriétés de base ne diffèrent pas de celles du diesel ou de l’essence classiques. Mais leur production est complexe : après avoir produit de l’hydrogène à partir de l’électricité solaire et éolienne, le CO2 est utilisé pour transformer l’hydrogène en un gaz combustible. Idéalement, le CO2 devrait provenir de l’air ambiant, de sorte qu’un cycle puisse se créer et que la combustion dans le moteur reste neutre d’un point de vue climatique. Les e-fuels ne sont pas (encore) disponibles à grande échelle.

Anthony Patt expert climatique ETH

Anthony Patt, 54 ans, est professeur à l’Institut des décisions environnementales de l’EPFZ.

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